Nathalie Szerman © Jérusalem Post
A la mi-novembre 2008, les délégations du KKL se sont réunies à Francfort pour commémorer la Nuit de Cristal. Mais au Keren Kayemet LeIsraël (Fonds national juif littéralement "fonds pour l'existence d'Israël"), on ne clôt pas un événement sur un triste souvenir : sitôt achevée la cérémonie au Mémorial de Boerneplatz, les délégations se sont retrouvées au Centre communautaire juif de la ville pour faire le point et évoquer l'avenir.
Pendant deux jours, les représentants des différentes délégations se sont relayés pour dérouler le bilan de leur action annuelle, lancer de nouvelles stratégies et parler des projets en cours. Plus d'une dizaine de pays étaient représentés, dont la France, la Belgique, la Suisse, l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie, l'Espagne, la Suède, la Norvège et la Finlande, pour ne citer que ceux-là. Efi Stenzler, président mondial du KKL, a ouvert la session en s'interrogeant sur les nouveaux défis qui devront être relevés dans les années à venir. "Faut-il ou non s'occuper aussi des autres pays ?" est l'une des questions clés que le KKL est amené à se poser. La réponse viendra, tel un puzzle auquel chaque délégation apporte une pièce : oui, bien sûr, il faut se mondialiser, en se préoccupant désormais de l'environnement et de l'écologie au niveau planétaire.
A la conquête de l'or bleu
Ainsi, le KKL met désormais l'accent sur la recherche et subventionne des études dans différents domaines, certaines étant directement liées à ses activités, comme le reboisement, d'autres portant sur l'écologie au sens large, notamment sur les nouvelles méthodes d'agriculture biologique sans pesticides. Mais c'est l'eau qui est aujourd'hui le défi majeur du KKL. L'eau est un problème qui touche non seulement Israël, mais toute la région moyen-orientale, et le monde dans son ensemble - l'eau aujourd'hui communément qualifiée d'"or bleu", tellement plus précieux que l'or noir.
Israël, pays semi-aride, traverse depuis quelques années une sévère crise de sécheresse. Le Kinneret (lac de Tibériade) est l'une des principales sources d'eau d'Israël ; or son niveau approche dangereusement de la ligne noire, en deçà de laquelle les dommages sont qualifiés d'"irréparables". Quand le niveau du Kinneret baisse, le niveau de la salinité monte ; il faut donc éviter de pomper sous le niveau de la ligne rouge pour ne pas accroître la salinité. Mais l'accroissement important de la population, qui implique des besoins accrus en eau, ne facilite pas la tâche. Avec 310 habitants au kilomètre carré, la densité démographique en Israël fait partie des plus importantes de la planète (sans doute en raison de l'absence d'immenses terres vierges), à peine moins que celle de l'Inde (333 hab/km2). A titre de comparaison, la France affiche un taux de 94 hab/km2, ou 112 hab/km2 pour la seule métropole.
Et la pollution empêche de puiser dans certains réservoirs. En outre, l'évaporation et les précipitations diminuent, ce qui réduit encore les chances de sortir de cette pénurie en eau, dans les cinq années à venir.
Face à ces multiples difficultés, plusieurs moyens sont mis en œuvre. Parmi eux : la préservation des sources d'eau naturelles (le Kinneret n'étant pas la seule source d'eau d'Israël, loin s'en faut), le recyclage des eaux usagées (ce qui est déjà pratiqué dans l'agriculture), la création de nouvelles sources d'eau, et le nettoyage des fleuves et cours d'eau du pays, en coopération avec d'autres institutions nationales. Sans oublier une propagande visant à encourager une prise de conscience nationale du problème.
"Utilisez l'eau pure à bon escient : pour boire, et recyclez l'eau pour tous les autres usages", peut-on lire sur l'une des brochures du KKL.Israël connaît toutefois des années fort pluvieuses ; c'est pourquoi il est nécessaire de créer un système sophistiqué de stockage permettant de combler le fossé entre bonnes et mauvaises années. Ainsi, le KKL construit des barrages permettant de recueillir l'eau des inondations et de créer des citernes d'eau de pluie et d'eaux usagées.
L'un des projets les plus ambitieux reste toutefois la désalinisation de l'eau de mer, aux aménagements et au fonctionnement extrêmement coûteux. Les installations en voie de construction à Hadera devraient fournir de l'eau à partir de 2009 ou 2010. D'autres installations privées et publiques sont construites à travers le pays. Elles devraient fournir une eau de très bonne qualité et réduire la dépendance aux seules précipitations. Notons que l'Etat d'Israël a décidé de ne pas accroître le prix de l'eau à usage domestique, car "l'eau, c'est la vie", et la responsabilité de l'Etat, celle de continuer à approvisionner la population à moindre coût.
Impliquer les non-Juifs
Le KKL-JNF est présent dans plus de quarante pays. Parmi les projets financés par les donateurs, 398 concernent le développement et les infrastructures et 950 le (re)boisement. Le KKL ne concerne toutefois plus exclusivement les Juifs ou les amoureux d'Israël : des donateurs chrétiens désireux d'améliorer la situation en "Terre sainte" et d'autres, préoccupés par l'écologie dans le monde, font aujourd'hui des dons au KKL. L'organisation entend désormais se définir comme une structure juive qui œuvre pour l'écologie mondiale, et Israël se trouve être le lieu d'initiatives écologiques originales, souligne la secrétaire générale du KKL suède Marion Wiener, lors du séminaire de Francfort.
Le KKL a beaucoup accompli en matière d'écologie pour Israël et toute la région, relève-t-elle encore. Aujourd'hui, alors que l'environnement est au centre des préoccupations des dirigeants de la planète (avec le président Sarkozy et son homologue américain Obama qui en font une priorité), le KKL jouit d'une nouvelle jeunesse, car l'écologie est son domaine, et l'environnement l'affaire de tous. Pour impliquer davantage les non-Juifs, le directeur général pour la Suède Jariv Sultan suggère de modifier quelque peu la terminologie employée et notamment de ne plus nommer le KKL par cette appellation ancienne et connotée.
Face aux nouveaux défis qu'il doit aujourd'hui relever, le KKL entend se donner l'image d'une organisation jeune et dynamique à travers le monde. Pour ce faire, Michaël Bar-Zvi, délégué général du KKL en France, évoque la création de nouveaux itinéraires attractifs : un itinéraire des vins d'Israël a été organisé, et l'année prochaine verra la naissance de l'itinéraire des huiles d'olive du pays. En outre, des pistes cyclables vont être créées pour relier Jérusalem et Tel-Aviv.
Israël d'abord
Le KKL se tourne certes vers le monde, mais ne nous leurrons pas : Israël demeure sa priorité. Au Nord, l'organisation a entrepris de faire fleurir la Galilée, en coopérant avec le gouvernement à la création de nouvelles sources d'eau. Mais c'est le Sud, et le Néguev en particulier, qui recueille toutes les attentions. Deux grands parcs ont vu le jour à Dimona et Yeroukham. Un autre parc naturel va être créé à Beersheva.
L'objectif pour 2018 est un Néguev verdoyant, important des serres de fleurs en Europe. Quatre stations du projet R&D (Research and Development) ont vu le jour dans les régions agricoles du Néguev. Elles se spécialisent dans le développement de techniques adaptées aux régions désertiques. Pour un résultat optimal, elles exploitent le potentiel naturel du Néguev : diversité des sources d'eau et qualité de la main-d'œuvre. Il s'agit d'accroître le rendement et la qualité des récoltes et d'introduire de nouveaux produits permettant à Israël d'être compétitif sur le marché mondial. Les forêts et les réservoirs d'eau que le Keren Kayemet compte créer dans le Néguev auront l'avantage de rendre l'environnement attractif et d'encourager Israéliens et olim à peupler la région. Dépasser les limites du désert et faire de cette terre semi-aride une oasis de verdure : tel demeure l'objectif premier du KKL.
Nathalie Szerman © Jérusalem Post
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